4e lauréat.e.s du Prix d’Études sur la guerre et le fait militaire

Le Prix d’Études sur la guerre et le fait militaire a été créé par le GRHG afin de récompenser le travail et l’excellence de la recherche jeune chercheurs en histoire de la guerre et du fait militaire dans le domaine francophone. Chaque année, une bourse de 1 000$ est octroyée à un mémoire de maîtrise qui contribue significativement, par la qualité de la recherche et l’originalité du propos, à l’avancement des savoirs historiques. Une bourse d’un montant de 500$ est aussi octroyée au deuxième meilleur mémoire. Cette quatrième édition a suscité la candidature d’une demi-douzaine de mémoires en provenance du Québec, de France et de Belgique, tous d’un niveau très élevé, confirmant s’il en était besoin le dynamisme et la valeur de la relève étudiante dans ce domaine d’étude.

Dans ce mémoire de master en histoire d’une rare et impressionnante qualité, Coline Gérard se penche sur les relations, contraintes ou choisies, entretenues par des femmes de Belgique avec l’occupant, à partir du matériau documentaire fourni par les observations  d’une vingtaine de diaristes, femmes mais aussi hommes : ces journaux constituent dès lors un observatoire de ces relations dites intimes entre forces d’occupation et populations civiles, ainsi que de leurs évolutions jusqu’à la Libération, et du sort qui fut réservé à celles qui y furent impliquées, y compris de manière contrainte. Mais cet angle d’étude constitue aussi un témoignage puissant sur les normes et relations de genre dans les sociétés européennes de la 1^e partie du XXe siècle, retravaillées par le contexte de la guerre et de l’occupation. Enfin, c’est aussi une réflexion sur la société belge sous Occupation que nous livre Coline Gérard à partir de l’observation de ces relations avec l’occupant, entre collaboration, contrainte, appels au patriotisme, résistance et accommodements du quotidien.

Le jury du prix a été frappé par l’ampleur de vue de ce mémoire qui s’inscrit à proprement parler dans une histoire des sociétés en guerre et dans une histoire des cultures de guerres : envisageant ce que la guerre fait aux relations entre soldats et civils, entre hommes et femmes, mais aussi de ce que des identités nationales, des normes de genre précédant le conflit font aux relations intimes entre hommes et femmes de camps opposés, dans un contexte qui plus est d’occupation. La diversité de ces problématiques, et des historiographies qui les construisent, a été abordée avec une grande maîtrise et une réelle efficacité par Coline Gérard. Nous avons aussi été impressionnés par son travail documentaire sur les journaux personnels qui forment ses sources. Alliant le quantitatif au qualitatif, assorti d’un travail de cartographie, d’analyse discursive, de statistique, et même de décryptage de code secret, Coline Gérard a su tirer le parti le plus grand et le plus diversifié possible de ces égodocuments, en ayant en outre l’intelligence de composer un corpus plurivoque : journaux d’hommes et de femme, diversité géographique, journaux inédits ou publiés, francophones et néerlandophones, d’âges, de profession, et de rapports à l’occupation variés. Nous ne pouvons donc que féliciter Coline Gérard pour cette recherche ambitieuse, qui a été dès à présent suivie de plusieurs publications et présentations dans des colloques, et lui souhaitons le meilleur de son parcours, qui l’amènera désormais à débuter un doctorat, à l’issue d’un stage de recherche au prestigieux Leibniz Institut für Geschichte und Julter des östlichen Europa, à Leipzig.

L’excellent mémoire d’Alex Maillouxest intitulé Insubordination, criminalité et cohésion militaire Le cas du 41e bataillon (canadien-français) du Corps expéditionnaire canadien, 1914-1916.   Formé à Québec en 1914 par des volontaires canadiens français, ce 41^e bataillon s’est vu incorporer des recrues anglophones et étrangers et puis envoyé en Angleterre. Le travail de recherche proposé par Alex Mailloux se propose de réexaminer la nature et les causes profondes des troubles disciplinaires qui ont conduit à la dissolution du 41^e bataillon canadien-français alors que celui-ci n’avait pas encore combattu pendant la Première Guerre mondiale.  Pour ce faire, le mémoire d’Alex Mailloux combine des approches quantitatives et qualitatives et s’inscrit dans le cadre de la micro-histoire.

 La réflexion menée s’appuie aussi sur un cadre d’analyse, sous-tendu par les notions d’identité et de culture appliquées à un contexte militaire.  Le choix d’un tel cadre d’analyse a véritablement permis de donner vie à l’étude du 41^e bataillon canadien-français, pensé comme une microsociété. Ce mémoire mobilise un riche corpus de sources composé de rapports de cour martiale, de correspondances personnelles et de 313 dossiers de service des membres du 41^e bataillon. Appuyant sa réflexion sur un traitement précis et rigoureux du corpus de sources et mobilisantavec pertinence et finesse, un cadre d’analyse complexe, a démontré avec pertinence, que les troubles disciplinaires et l’insubordination ne sont pas imputables à l’incompétence des officiers militaires, commandants le bataillon.

L’auteur démontre, avec finesse, l’insubordination au sein des troupes du 41^e bataillon résulte plutôt de facteurs sociaux, culturels et circonstanciels. En fait, les troubles disciplinaires qui ont conduit à la dissolution du bataillon sont imputables à sa composition hétérogène et à la faiblesse voire à l’absence de cohésion et de sentiment d’appartenance de ses membres parmi lesquels on compte, entre autres, des volontaires Ukrainiens, Biélorusses, Polonais et des Canadiens-français et des Canadiens- anglophones etc.

En définitive, le travail d’Alex Mailloux propose une analyse novatrice sur la question de l’obéissance, du multiculturalisme et de la cohésion dans les armées. Il apporte d’ailleurs une contribution majeure aux connaissances face à une historiographie qui, jusque-là avait tendance à interpréter la dislocation du 41^e bataillon canadien-français comme le fait de l’incompétence de son commandement.

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